Aix 1/Dec 1940.
Cher Mihalo,
merci pour votre longue lettre et voici nos nouvelles, qui
sont toujours les mêmes, j'ai refait ma demande et nous
attendons, mais le bateau de 25. Dec. partira probablement
sans nous, j'ai pensé de fêter mon cinquantaine le 8. Dec.
à Lisbonne, mais il n'en sera rien. Le pardes[s]us de Tibor
a été apporté par Christianne [Duval?] [(Jouard?].)] avec nos valises
c'est [Mayka?] qui l'a envoié [sic]. Peut être Tibor pouvait lui ecrire
un petit mot c'est 414 rue Paradis, Marseille. Je vois que vous
travaillez tous, moi aussi j'ai terminé la Sinfonia pour piano
et petit ensemble et j'ai reçu une commande pour violoncelle
avec petit orchestre, alors je travaille entre les voyages à Marseille
il fait bien froid dans la chambre et pour ma technique du
piano ce n'est pas bien, cela me [prise?] de peu moyer du technique
que j'ai. Autrement le temps passe avec les événements.
De Marseille j'ai apporté une mauvaise impression (sauf [Boudville?])
et cela m'a beaucoup attristé, les choses qui touchent la conviction
des artistes et amis que je connais ne sont toujours très sensible
et j'était vraiment malheureux de constater, que cela peut changer
tel[l]ement, je comprends la situation mais quand même il y
a des choses qui vous choquent, enfin, cela changera peut être
plus tard. Je suis content que vous faites la musique et que vous
travaillez, je regrette de ne pas être avec vous et si nous ne partons pas
nous viendrons peut être pour Noel vous voir et être avec vous. Merci pour votre
lettre et encouragement mais je vous assure que ce ne sont pas des événements
qui me tracasse et la situation actuelle, nous vivons l'histoire et il faut s'y
habituer vivre et suivre le chemin qui est proprement à nous, et qui forme notre
vie et notre raison d'être et qui est suffisant pour remplir ma vie. Pour les évé-
nement[s] nous sommes rien que les temoins, éttoné [=étonné], surpris et tourmentés, mais
nous n'y pouvons rien changer nous même avec la meilleure volonté, n'est ce pas,
ni les resultats ni developpement ne dependra pas de nous, nous sommes engagé
comme les miliones d'autres dans l'histoire qui se forme, et peut être des grandes
changements se preparent, que nous avons attendu, même désirése et prevues.
C'est depuis longtemps que j[']ai accepté tous cela, mais il y a pour moi une
chose beaucoup plus importante et grave, je ne peux pas vous l'ecrire, mais vous
le comprendrez, que l'artiste a besoin quelques conditions de la liberté interieure
pour suivre son chemin et cela est indispensable en chaque cas. Enfin je ne
veux pas vous ajouter les pensées noir[e]s, vous devez être assez inquiet avec les
événements qui se passent chez nous. Merci toujours pour vos paroles si amicales
et gentils d'encouragements et nous vous envions [sic; envoyons] à vous et à tous nos
meilleurs vœux et meilleures souvenirs et puisque il n'y a d'autre chose à
faire attendons la suitte [sic; suite] que est ce qui apportera. Je serais très heureux de
vous voir et de parler un peu avec vous et peut être ce sera pour Noël.
Mes amitiés à tous le monde et n'oubliez pas me souhaiter mon 50naire le 8. Decembre.
Bien à vous
Votre
B. Martinů
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